N'est pas mort ce qui à jamais dort ...

Les enfants sauvage , les vrais "Mowgli "

1 Février 2012 , Rédigé par Kthullu Publié dans #Insolite

Mowgli, le héros du Livre de la Jungle du grand écrivain anglais Rudyard Kipling, a popularisé le thème des enfants sauvages. Des cas d' enfants élevés par des animaux  existent , en voici des exemples

La fille sauvage d'Overyssel

En 1717, on découvre la première "fille sauvage", dans la province hollandaise d'Overyssel. Elle avait été enlevée à seize mois à ses parents et avait dix-neuf ans lorsqu'on la captura. On ignorait cependant le temps qu'elle avait passé dans les forêts. Sa peau était basanée et couverte de poils, et ses cheveux, très longs, flottaient sur ses épaules. Elle ne parlait pas et se nourrissait d'herbes et de feuillages. On ne parle pas d'animaux à son propos. Elle ne sut jamais parler, mais communiquait par signes. On lui apprit à filer la laine, et elle exerça cette occupation jusqu'à sa mort.

Deux ans plus tard, deux enfants trouvés dans les Pyrénées, courant et sautant dans les montagnes à la manière des isards, firent beaucoup parler d'eux, et Jean-Jacques Rousseau les mentionna; mais on sait finalement bien peu de choses sur leur compte.

Un enfant sauvage mieux connu fut celui de Hameln, dans le Hanovre. Le jeune Peter avait été abandonné dans la forêt par ses parents et ne fut retrouvé qu'en 1724, à l'âge de treize ans. Il préférait les fruits et l'écorce des jeunes arbres au pain qu'on lui présentait. Il était fort sale, et son corps était marqué de plusieurs cicatrices. Son caractère était farouche et agressif au début, mais il devint plus tard beaucoup plus traitable. Ce jeune garçon marchait sur ses deux pieds, il courait très vite et ne grimpait pas aux arbres.

Enfant sauvage Hameln

Très vorace, il ne put jamais que prononcer quelques mots pour demander de la nourriture. Le roi d'Angleterre, George Ier, qui était également électeur du Hanovre, s'intéressa à lui et l'emmena en Grande-Bretagne où il essaya de le faire éduquer. L'enfant de Hameln apprit peu à peu à supporter les vêtements et manifestait un grand plaisir en écoutant de la musique.

Un autre de ces enfants, Jean de Liège, perdu par ses parents à l'âge de cinq ans et retrouvé seize ans après, retint l'attention du naturaliste Linné, qui en parle dans ses ouvrages. Il se nourrissait surtout des légumes qu'il trouvait dans la terre. (voir plus loin Jean de Liège)

La fille sauvage de Karpfen, capturée en 1767 en Basse Hongrie, était nue. Son corps était robuste, et il fallut la tirer de force de la tanière où elle s'était réfugiée. Conduite à l'hôpital de Karpfen, elle refusa de manger des aliments cuits, mais faisait ses délices de la viande crue et des écorces d'arbres. On ne sut jamais comment elle avait pu survivre dans ces forêts inaccessibles, où pullulaient des animaux féroces, ours et loups.

En 1831, on fit mention d'une fille-truie, découverte dans la région de Salzbourg, en Autriche, qui, ayant été élevée dans une porcherie, imitait le grognement des cochons. L'enfant-porc d'Overdyke, lui, avait une prédilection pour les salades, et un autre enfant sauvage de cette région, élevé parmi les loups, grimpait aux arbres, criait comme un oiseau et dénichait les œufs dont il se montrait très friand. Avec l'enfant-loup de Kronstadt, en Russie, décrit par l'Allemand August Rauber dans un ouvrage paru en l885, et qui était fort sensible aux sons du piano, s'achève la liste des enfants sauvages de l'Europe. Aux XIXe et XXe siècles, la plupart des cas semblables signalés concernent des individus nés en Asie méridionale ou en Afrique.

Tous les cas que nous avons relevés sont, il faut le reconnaître, entourés de beaucoup d'obscurité, et l'on peut se poser nombre de questions à leur égard. Il existe pourtant deux enfants européens dont l'histoire est bien connue et sur lesquels il faut revenir. Il s'agit de la fille-sauvage de Songy, en Champagne, et de l'enfant-loup de l'Aveyron, le petit Victor, qu'un film a, de nos jours, rendu célèbre.

Marie-Angélique l'inconnue de Songy
sauvageonne songy

Un soir du mois de septembre de l'année 1731, alors que Louis XV régnait sur la France, les habitants du petit village de Songy, en Champagne, au sud de Châlons-sur-Marne, éprouvèrent une grande frayeur. Ils virent une étrange créature, pieds nus, couverte de haillons, cheveux emmêlés, le visage et les mains noirs comme de la suie et tenant un bâton. "Voilà le diable !" s'écrièrent-ils à cette apparition, et ils s'enfuirent au plus vite dans leurs maisons, s'y barricadèrent et lâchèrent leurs chiens contre elle. La "sauvage" les attendit de pied ferme et tua d'un coup de son gourdin le premier qui approcha, un terrible molosse armé d'un collier à pointes de fer. Elle s'éloigna ensuite dans la campagne, grimpa dans un arbre et s'y endormit.

Un noble du voisinage, le vicomte d'Épinoy, alerté par ses paysans, décida de s'en emparer. Il employa une ruse très simple : on mit un seau d'eau au pied de l'arbre en espérant la capturer lorsqu'elle descendrait se désaltérer. Mais cette créature remontait aussitôt qu'elle avait bu.

On imagina alors de la prendre par la faim. Une femme se tint près de son refuge avec des poissons à la main. La fille finit par descendre, et la femme s'éloigna tout doucement, l'entraînant sur ses pas juste pour laisser aux hommes postés près de là le temps d'accourir et de la capturer. Conduite aux cuisines du château, elle se jeta sur les aliments qu'on lui présenta et, en présence du vicomte, écorcha un lapin qu'on lui présentait et le mangea tout cru.

On tenta alors de la soumettre à un régime alimentaire normal, mais elle se mit à dépérir. On lui permit donc de consommer de la viande crue; on lui apportait un poulet ou un lapin vivant dont elle suçait le sang tout chaud, ce qui lui faisait, avoua-t-elle bien des années plus tard, "comme un baume qui s'insinuait partout et lui redonnait des forces".

sauvageonne songy
Marie-Angélique Leblanc

Le vicomte d'Épinoy la fit élever ensuite chez des religieuses de Châlons qui la civilisèrent avec patience, puis chez d'autres sœurs à Vitry-le-François. Après la mort du vicomte, ce fut l'évêque de Châlons, Choiseul, qui en prit soin. En l747, placée dans un autre couvent, chez les clarisses de Sainte-Menehould, elle reçut la visite du savant La Condamine, qui l'interrogea sur son passé.

Elle était alors la protégée du duc Louis d'Orléans, le fils du Régent, qui payait sa pension. Elle avait perdu son comportement sauvage et était devenue Mlle Leblanc. Le duc la fit entrer dans une autre maison de religieuses de Paris où elle fit sa première communion. Elle se disposait à devenir religieuse lorsqu'elle tomba gravement malade et perdit son protecteur. Les hospitalières qui l'hébergeaient la traitèrent durement, la croyant désormais sans ressources. Heureusement, alerté par Louis Racine et La Condamine, le nouveau duc d'Orléans continua à son égard les charités de son père. Elle put entrer au couvent de la Visitation de Chaillot, où elle mourut en 1788 à la veille de la Révolution.

Quelles pouvaient donc être les origines de la mystérieuse "fille de Songy" ? La Condamine, qui l'interrogea, a essayé d'élucider cette énigme en croyant pouvoir affirmer qu'elle était née chez les Esquimaux du nord de l'Amérique. Il s'appuyait sur certaines de ses confidences.

"Je suppose, écrit La Condamine, qu'un capitaine de navire parti de la Hollande, de l'Ecosse ou de quelque port de Norvège ait enlevé des esclaves dans les terres arctiques, ou dans la terre du Labrador, et qu'il les ait transportés pour les vendre dans quelqu'une des colonies européennes des îles Antilles. Elle y aura vu et mangé des cannes à sucre et du manioc. Le même capitaine peut avoir ramené quelques-uns des ces esclaves en Europe, soit qu'il n'eût pas trouvé à s'en défaire avantageusement, soit par caprice ou curiosité, et la jeunesse de notre petite sauvage peut fort naturellement lui avoir valu cette préférence ; dans ce cas, il est probable qu'il l'aura vendue ou donnée en présent à son arrivée en Europe."

"Il est encore assez vraisemblable que, par plaisanterie ou par fraude, on se soit avisé de la peindre en noir, c'était le moyen de la faire passer pour une esclave de Guinée et de n'avoir point de comptes à rendre. Il y a en Amérique une plante dont on tire une eau qui, appliquée sur la peau, la noircit parfaitement."

La Condamine pensait également que, vendue dans un port de Hollande, ses nouveaux maîtres pouvaient l'avoir transportée dans la région des Ardennes, d'où elle se serait échappée, ou bien, désespérant de l'apprivoiser, ils l'auraient abandonnée. C'est ainsi qu'elle aurait gagné la Champagne.

Le savant croyait-il à ce récit ? L'aventure de Mlle Leblanc comporte en effet bien des détails invraisemblables et qui relèvent plus de la fable que de l'analyse scientifique. Il faut d'ailleurs remarquer que La Condamine, qui revenait, à cette époque, du Pérou, où le gouvernement français l'avait chargé de mesurer le méridien terrestre, se garde bien de signer de son nom son &Histoire d'une jeune fille sauvage, mais qu'il choisit comme pseudonyme, celui d'une certaine Mme Hecquet !

En fait, le mystère n'a jamais été éclairci ; à défaut de documents sûrs, on serait plutôt tenté d'admettre que sa naissance en France a été clandestine et que, reculant devant un crime, on a préféré la faire nourrir dans quelque retraite isolée avant de lui donner la liberté, lorsqu'on a supposé qu'elle pouvait subvenir seule à ses besoins, jusqu'au moment où elle serait recueillie. Peut-être s'est-elle enfuie d'elle-même de l'endroit où on la tenait cachée.

Quoi qu'il en soit, le mystère qui entoure les origines de cette malheureuse créature ne fut jamais parfaitement élucidé.

Variante de l'histoire de Marie-Angélique Leblanc

Fille sauvage


En septembre 1731, une fillette de neuf ou dix ans entra dans le village de Songy (ou Soigny)... le fait est que ces deux localités se trouvent dans le département de la Marne, sur la rivière du même nom). Elle portait un bâton, dont elle usa pour tuer net un chien qui se jetait sur elle. Elle figure, avec huit autres cas, parmi les exemples d'Homo sapiens ferus cités par Linné. Elle finit par apprendre à parler, entra en religion, et finit pieusement ses jours dans un couvent.

Personne, à ma connaissance, n'a voulu y voir autre chose qu'une enfant abandonnée par sa famille. Je me garderai de rien affirmer, mais enfin, certains détails sonnent bizarrement, pas assez pour être péremptoires, mais quand même.

Elle courait d'une manière très anormale, et néanmoins plus vite qu'aucun homme, ce qui ne s'explique guère pour une enfant abandonnée mais est troublant à la lumière des témoignages sur les almastys du Caucase et bien d'autres.

De même, elle nageait très bien, y compris en plein hiver.

Elle a été considérée d'abord par les gens de l'endroit comme le Diable, puis, alors qu'elle s'apprivoisait peu à peu, comme "la bête du berger". Son humanité n'était donc pas évidente avant qu'elle ne parle ?

Certains ont cru devoir supposer qu'elle était esquimaude (ethnie très peu connue à l'époque, à la limite du monde connu), ce qui suggère une apparence physique un peu hors norme.

Elle était vêtue au moment de sa reddition de loques et de peaux de bêtes. Une femme lui aurait donné des vêtements. Mais des peaux de bêtes ? Il est exclu qu'une enfant abandonnée à elle-même ait pu spontanément apprendre à s'en couvrir, et cela ne faisait pas partie du costume champenois à cette époque. Alors, je reconnais que c'est tiré par les... poils, mais on peut se demander (sans plus !) si elle n'était pas en fait couverte d'une "fourrure", mais la sienne, donnée par la nature, ce que les commentateurs n'auraient pas compris, ou pas admis, et traduit de la seule façon qui leur paraissait acceptable.

Elle avait des pouces anormalement longs, ce qui est un trait néandertalien.

Ce dernier détail physique est à peu près le seul, objectivement, qui induise positivement un doute. C'est bien peu dira-t-on, comme pour Victor. Mais le même raisonnement s'impose au sujet du crâne. (voir Frank Tinlant, opus cité). 

Victor l'enfant sauvage de l'Aveyron

 

Victor Enfant sauvage


L'aventure du petit "Victor de l'Aveyron" est encore plus étrange ... mais également l'une des affaires d'enfants sauvages les mieux connues.

Victor fut l'objet d'une extraordinaire curiosité et provoqua des discussions passionnées. Certains soutenaient qu'il appartenait à une race "d'hommes des bois" qui auraient vécu parallèlement aux civilisés. D'autres parlaient même de "génération spontanée " !

Son histoire commence en 1797 lorsqu'on aperçut pour la première fois, dans le bois de Lacaune (département du Tarn), un enfant entièrement nu qui fuyait l'approche des hommes.

Cette découverte excita la curiosité et on se mit à sa recherche. On l'aperçut qui cherchait des glands et des racines, et on le captura, mais il réussit à s'échapper presque aussitôt. Des chasseurs le reprirent en juin 1799 : il s'évada de nouveau.

Enfin, le 9 janvier 1800, il entrait dans le moulin du teinturier Vidal, à Saint-Sernin (Aveyron). Il avait la tête, les bras et les pieds nus, le reste du corps n'était couvert que des lambeaux d'une vieille chemise qu'on lui avait donnée à Lacaune six mois auparavant. Victor ne prononçait alors aucun mot et paraissait ne pas entendre. On le crut sourd et muet. Malgré les rigueurs de l'hiver, il ne pouvait souffrir le moindre vêtement, et on mit longtemps à l'habituer à coucher dans un lit. Lorsqu'il cherchait à s'enfuir, il marchait à quatre pattes.

Les journaux de la capitale ayant fait mention du "sauvage de l'Aveyron", tout Paris se mit à parler de lui.

Cet enfant d'une douzaine d'années mesurait 1,36 m, avait la peau blanche et fine, le visage rond, les yeux noirs et enfoncés, les cheveux châtains, le nez long et aquilin. Sa physionomie était gracieuse : il souriait volontiers, et son corps présentait la particularité d'être couvert de cicatrices, dont certaines paraissaient avoir été faites par un instrument tranchant. Quelques-uns en conclurent que les auteurs de ses jours avaient tenté de l'immoler avant de l'abandonner dans les bois.

A la fin de septembre 1800, le ministre de l'Intérieur demanda qu'il fût amené à Paris. Il devait y jouir d'une vogue extraordinaire : n'avait-il pas été découvert à la fin du XVIIIe siècle, au cours duquel les philosophes avaient discouru sur le bon sauvage et l' homme de la nature ?

Toutefois, les bons esprits comme les gens du monde furent déçus par cet enfant qui présentait tous les caractères de l'arriération mentale, qui était malpropre, muet, indifférent à tout ce qui l'entourait et qui se balançait sans cesse à la façon d'un idiot.

Les "psychiatres" de l'époque, Esquirol et Pinel, le jugèrent inguérissable. Telle ne fut heureusement pas l'opinion du nouveau directeur de l'Institut des sourds-muets, Jean-Marc Gaspard Itard. Savant homme au cœur admirable, Itard ne partageait pas l'avis de Pinel. Il se posa la question, à propos de Victor, de savoir quels seraient le degré d'intelligence et la nature des idées d'un adolescent qui, privé dès son enfance de toute éducation, aurait vécu entièrement séparé des individus de son espèce. Il conclut justement que ce tableau moral correspondait à l'enfant confié à ses soins.

Itard voulut aussi répondre à tous ceux qui proclamaient que le petit Victor était un idiot irréductible abandonné pour cette raison par ses parents : "Ceux qui se sont livrés à une pareille supposition, écrit-il, n'ont point observé cet enfant peu de temps après son arrivée à Paris. Ils auraient vu que toutes ses habitudes portaient l'empreinte d'une vie errante et solitaire : aversion insurmontable pour la société et pour ses usages, nos habillements, nos meubles, le séjour de nos appartements, la préparation de nos mets, indifférence profonde pour les objets de nos désirs et de nos besoins, goût passionné pour la liberté des champs, si vif encore dans son état actuel, malgré ses besoins nouveaux et ses affections naissantes ; que pendant un court séjour qu'il a fait à Montmorency, il se serait infailliblement évadé dans la forêt sans les précautions les plus sévères, et que, deux fois, il s'est échappé de la maison des sourds-muets, malgré la surveillance de sa gouvernante.

"Il avait été vu, plus de cinq ans auparavant, entièrement nu et fuyant l'approche des hommes, ce qui suppose qu'il était déjà, lors de sa première apparition, habitué à ce genre de vie, habitude qui ne pouvait être le résultat que de deux ans au moins de séjour dans des lieux inhabités. Ainsi, cet enfant a passé dans une solitude absolue à peu près sept ans sur les douze, qui composaient l'âge qu'il pouvait avoir quand il fut pris dans le bois de Lacaune.

Feral Child


"Il est donc probable qu'il a été abandonné à l'âge de quatre ou cinq ans, et que s'il devait avoir déjà à cette époque quelques idées et quelque commencement d'éducation, tout cela se sera effacé de sa mémoire par suite de son isolement. Voilà quelle m'a paru être la cause de son état actuel. On voit pourquoi j'en augurais favorablement pour le succès de mes soins. En effet, sous le rapport du peu de temps qu'il était parmi les hommes, le sauvage de l'Aveyron était bien moins un adolescent imbécile qu'un enfant âgé de dix ou douze mois É"

Le diagnostic, d'une remarquable justesse, allait permettre au docteur Itard d'obtenir des succès dans sa tentative d'humaniser son patient. Au prix d'un effort d'une grande patience, poursuivi durant de longues années, et qui demanda au savant des trésors d'affection pour le petit déshérité, il parvint à le faire parler et lire ses lettres. Aidé par une femme admirable, Mme Guérin, la gouvernante de l'enfant, il développa également ses qualités de cœur, et Victor s'attacha à ceux que l'on peut appeler "ses sauveurs".

Itard, dans deux Mémoires publiés en 1801 et en 1806, et qui font aujourd'hui encore l'admiration des spécialistes, a raconté les étapes de cette éducation : dès 180l, le "sauvage de l'Aveyron" s'habille lui-même, sait mettre le couvert et se tenir convenablement à table; il va puiser de l'eau et apporte à son bienfaiteur les affaires dont il a besoin. Il s'amuse à traîner une petite voiture et il commence aussi à lire. Cinq années plus tard, il a fait des progrès : il peut fabriquer de petits objets, coupe le bois de la maison et se rend utile en aidant Mme Guérin aux travaux ménagers.

La gloire d'Itard est alors à son apogée : plusieurs souverains étrangers, comme l'empereur de Russie, lui offrent dans leur pays de riches sinécures. Mais il préférera toujours l'éducation des sourds-muets et des enfants arriérés mentaux, auxquels il consacrera ainsi quarante années de sa vie.

En 1807, ne pouvant plus guère améliorer l'état de Victor, Itard décida de le confier entièrement aux soins de la bonne Mme Guérin, et c'est à elle que le ministre de l'Intérieur continua de payer sa pension. Le jeune homme vivra désormais chez elle, dans une annexe de l'institution, où il mourra quadragénaire, au début de l'année 1828.

Son éducation resta cependant incomplète à cause de la faiblesse des organes de l'ouïe et de ses difficultés d'élocution. Ses facultés intellectuelles et affectives ne se développèrent que lentement. Néanmoins, les changements survenus dans l'état du petit Victor furent considérables. Dans le rapport qu'il dressa, Itard fit justement remarquer que le perfectionnement de la vue et du toucher et les nouvelles jouissances du goût, en multipliant les sensations et les idées de notre sauvage, avaient puissamment contribué au développement des facultés intellectuelles.

Il nota aussi qu'on trouvait, entre autres changements, la connaissance des signes de la pensée, l'application de cette connaissance à la désignation et à l'énonciation de leurs qualités et de leurs actions, d'où l'étendue des relations de l'élève avec les personnes de son environnement, la faculté de leur exprimer ses besoins, d'en recevoir des ordres et de faire avec elles un continuel échange de pensées.

Enfin, il remarqua que, malgré son goût immodéré pour la liberté des champs et son indifférence pour la plupart des jouissances de la vie sociale, Victor s'était montré reconnaissant des soins, "susceptible d'une amitié caressante, sensible au plaisir de bien faire, honteux de ses méprises et repentant de ses emportements".

Grâce au docteur Itard, Victor, seul de tous les enfants sauvages qui l'ont précédé, aura eu la chance de pouvoir accéder à une forme appréciable d'humanité. L'humble enfant du bois de Lacaune aura aussi eu le mérite de faire progresser la science médicale dans le traitement des enfants arriérés. Itard sera alors considéré comme le promoteur de l'éducation des arriérés.

Chemin immense parcouru, depuis les mythologies de l'Antiquité et les bavardages du siècle des Lumières, dans une science qui a fait progresser finalement la connaissance de notre humanité dans ce qu'elle a de plus profond.


 

Le garçon de Kronstadt

Ce malheureux a été capturé en Valachie (Roumanie) à la fin du dix-huitième siècle, et gardé plusieurs années à Kronstadt. Boris Porchnev le cite très longuement Les yeux profondément enfoncés dans leurs orbites, le front "très fuyant", le corps velu, le cou "gonflé", les muscles des membres "plus développés et saillants que chez les êtres humains en général", rien ne manque. Le caractère néandertalien, voire plus "archaïque", est indéniable.

kronstadt


Ce n'est pas remettre en cause cette identification que de remarquer que ce garçon présentait des signes non moins flagrants d'autisme : "Il n'exprimait jamais le moindre sentiment (...) Quand on éclatait de rire ou simulait la colère, il ne semblait pas saisir ce qui se passait (...) Il regardait avec stupéfaction tout ce qu'on lui montrait, mais il détournait bientôt le regard, avec la même absence de concentration, sur d'autres objets. Quand on lui présentait un miroir, il regardait derrière celui-ci, mais restait tout à fait indifférent de n'y point trouver son image..." (consultez n'importe quel psychologue avec simplement ces quelques indications).

Les derniers survivants isolés de certaines populations considérés comme de "hominidés reliques" sont forcément menacés par un isolement affectif précoce, cause classique de l'autisme. Cela a dû d'ailleurs faciliter leur capture. Mais aussi, cela doit inciter à beaucoup de prudence dans l'évaluation de leurs capacités psychiques, donc de leur "degré d'humanité". (Source : Boris Porchnev)

"Loup Garou" de Norvège

"En Norvège, certains dossiers médicaux mentionnent la présence de "loups-garous" indiscutables. Ce sont des adolescents - habituellement des garçons - atteints de déficience mentale, affublés de poils et de cheveux grotesques qui poussent souvent jusqu'au sommet de leurs pommettes et leur couvrent entièrement le front, jusqu'aux sourcils ; les mâchoires sont prognathes (...) Ces êtres ne sont rien d'autre que des gosses qui ont grandi en haute montagne dans des vallées presque perpétuellement saturées d'humidité (...) Ces pauvres misérables que la communauté avait rejetés ou qui s'étaient enfuis parce qu'ils étaient anormaux réussissaient à subsister en chassant à la main ou en cueillant des plantes..."

J'attends qu'on me cite une seule déficience glandulaire ou autre qui produise des effets aussi singuliers, et qui permette une survie en pleine nature dans un environnement aussi rude que les montagnes du nord de la Norvège. Vous penserez peut-être que les lignes ci-dessus ont été écrites par quelqu'un qui n'avait pas d'autre explication à sa disposition, qui ignorait tout du problème des hommes sauvages et velus. 

XXe Siècle

Au XXe siècle des "enfants sauvages" ont été découverts à plusieurs reprises et dans des pays très différents.


Natacha la sauvageonne de Sibérie

 

Tchita


Tout près de nous, en 2009, la police russe aurait retrouvé en Sibérie une fillette de 5 ans abandonnée dans un appartement délabré. Elle s'exprimait en aboyant, et paraissait trois ans de moins que son âge 

Vêtue de haillons, Natacha n'était apparemment jamais sortie de ce taudis, sans chauffage, ni eau courante. Elle "vivait au milieu de chiens et de chats, dans des conditions de totale insalubrité dans une puanteur épouvantable", expliqua une responsable de la police locale à la chaîne de télévision.

Entourée de chiens et de chats, la fillette avait très probablement été élevée au milieu des bêtes, dont elle semble avoir copié le comportement. Lorsqu'elle a été découverte, elle "se jetait sur les gens comme un petit chien" et ne communiquait qu'avec "le langage des animaux". Elle comprendrait le russe, mais n'en parlerait que quelques mots.

La petite fille a depuis été placée dans une institution où elle reçoit une aide médicale et psychiatrique et joue avec d'autres enfants, tout en continuant à avoir un comportement animal. "La fillette ne mange pas avec une cuillère, elle la met de côté et elle lape", raconte une responsable. "Aujourd'hui, quand j'ai quitté la pièce, elle a sauté vers la porte et a commencé à aboyer", ajoute Nina Yemelyanova.

L'enfant sauvage de Phum Un

 

Phum Un


Nouveau mystère des plateaux des terres rouges: une rumeur circule dans les environs : une jeune femme nue, à la démarche simiesque, au regard féroce et ne laissant échapper que des grognements, surgit chaque nuit de la jungle cambodgienne.

Depuis, le hameau de Phum Un, quelques huttes de bambou en lisière d'une plantation d'hévéas, noyées dans un épais voile de poussière rouge au fin fond du Rattanakiri, province la plus reculée du royaume, vit dans la frayeur. La nuit venue, les villageois se barricadent, persuadés qu'un démon va venir les étrangler. Dans cette région peuplée de fantômes, de génies mangeurs d'enfants et d'hommes volants, la srey prey (« fille de la forêt») est l'émissaire de quelque esprit maléfique, jurent-ils.

Lorsque la sauvageonne qui terrorisait leurs nuits fut capturée, les habitants durent se rendre à l'évidence, la stryge n'était qu'une pauvre fille errante, rendue à la vie sauvage lorsque ses parents l'eurent abandonnée. "Elle avait les yeux rouges et faisait des bonds circulaires, comme un tigre pris au piège", racontent-ils.

Enfants sauvages de Colombie

Cinq enfants que leur père souffrant de troubles mentaux avait abandonnés dans des grottes dès leur naissance, ont été découverts en mai 2010 aux environs de de Turmeque, dans le département de Bocaya dans le centre-est de la Colombie.

Âgés de huit mois à 11 ans, les enfants qui se portaient bien n'avaient jamais, semble-t-il, été en contact avec le monde extérieur.

Selon Alirio Garzon, de la Protection civile colombienne, qui fut l'un des premiers à les secourir, «les trois plus jeunes, âgés respectivement de huit mois, deux et six ans, ont été retrouvés allongés dans une grotte, se serrant craintivement les uns contre les autres pour se tenir chaud. A proximité, dans une autre grotte, les aînés, âgés de huit et onze ans, ont tenté de s'enfuir à l'approche des sauveteurs.»

«Il ne fut pas facile de les ramener à la vie civilisée. Ils refusaient de quitter leur domaine, de se nourrir, de se laver, de se vêtir, et quand la télévision fut allumée dans le centre qui les hébergeait, ils ont semblé terrorisés».

Selon les autorités, les enfants vont bien. Seule la fillette âgée de deux ans a dû être mise en observation dans un centre médical spécialisé dans les problèmes de nutrition.

Le père, qui travaillait sur les marchés et son épouse auraient disparu après l'opération de secours sans olus donner signe de vie.

Colombie

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